• La nouvelle ordonnance renvoie sans appel la précédente au rayon des accessoires inutiles .Du très populaire paracétamol(ingurgité à tire larigot par nombre d'individus pour des maux divers et variés et allègement prescrit sinon prodigué par les généralistes) hélas inopérant à la divine morphine il aura fallu cette nuit inoubliable .Cinq jours de copieuse ration,je l'espère me remettront dans mon assiette.Un semaine est passée,nous sommes le six juin.Il est midi tapante.J'entre au cabinet du Dr Z...la secrétaire est absente.Je m'installe sagement dans la salle d'attente .Mon portable sonne ...ma femme m'informe qu'elle me rejoint sans tarder.Un trimestre éprouvant pour mes proches ,les résultats déjà connus du médecin nous serons donnés dans l'heure.Sans trop attendre le pneumologue nous reçoit."Mr L'h ...les analyses effectuées sur le morceau de poumon ne révèlent aucunes cellules cancéreuses,non plus de tuberculose".

    Le visage de cet homme au naturel réservé(froid diront certains,mais il en voit tellement )s'éclaire d'un sourire discret ,quand le mien s'illumine sans retenue du sourire le plus éclatant .

    "J'ai voulu prendre de vos nouvelles,mais vous aviez déjà quitté la clinique".

    "Oui" lui dis-je ."je désirais rentrer sans tarder".

    "Pas de douleurs?"me demande t-il.

    "si des douleurs aiguës.J'ai du appeler SOS médecins.Cinq jours de morphine".

    "je vous prescris un anti inflammatoire"

    Les divers documents glissés dans une enveloppe,après avoir réglé le montant de la consultation nous prenons congés le cœur léger .Il est environ treize heures .Un déjeuner au "restaurant" s'impose.Les "Quatre vents "un bar brasserie du port de commerce nous accueille.Tandis que ma femme se faisant servir une bavette à l'échalote arrosée de rouge, joue les carnassières , je craque pour une petite salade de harengs accompagnée de pommes de terre tièdes,le tout arrosé d'un gouleyant vin blanc.Ah elle est belle la fête !J'avais tant fourbi mes armes ,prêt à escalader mon "Everest"sans oxygène,mais voilà que l'adversité s'effondre et je m'écroule.Oh je ne me rétame pas,non je fais un roulé boulé , je me rétablis droit comme un I et je jouis!Comme tous ceux que leur bonne étoile a protégé de la brûlure du soleil,loin de me prosterner,je fais un bras d'honneur à toutes les affres endurées ces dernières semaines.Dans la galère, au son du tambour qui rythme les jours poisseux on se fait des promesses ...et puis libéré de l'écume des jours on s'en tape .Aujourd'hui la délivrance tant fantasmée a accouché d'une souris .Je ne suis bien sûr pas un agneau,il m'est arrivé d'être rôti ...mais pas plus .Pourtant je m'étais promis une bacchanale sans précédent si après cette batterie d'examens ,analyses et intervention chirurgicale plus inquiétants les uns que les autres,tout retombait comme un mauvais soufflet.Une fête purgative,un curetage,se vider la tête,reprendre du champ.Et puis "ballon",que dalle ,nada !La chose en elle-même était si belle,pas besoin de fioritures.

     


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  • Je ne voudrais pas souffrir ,finir comme un chien ,l'œil humide et implorant !Si je devais dans la ronde des blouses blanches vivre un enfer certes pavé de bonnes intentions ,que cesse le ballet sur le mont chauve,que l'on écourte la danse macabre,que les violons rendent l'âme ...même au supplice jamais ne serais un tantale !Trop vu de "bougies"éteintes dans les mains d'un "sorcier". Au tableau noir j'ai toujours préféré la page blanche,celle où tout peut s'écrire...Bien sûr en réaliste aigu je me suis préparé au pire,mais mon instinct de joueur, dans un océan d'incertitudes, mise sur la possibilité d'une île.Nous sommes le vingt-neuf mai.Comme tous les matins au lever,après avoir ouvert le volet roulant ,j'écarte les rideaux pour contempler mon jardin.Crevant le manteau gris,le soleil brille comme un bouton d'or.Si le vénérable pommier grisonnant de lichens est dépouillé de sa blanche parure ,l'indisciplinée passiflore par ses filaments bleus ceints de pétales blancs scintille sur la verte palissade .L'azalée rose, vieil hôte de ce jardin,au pied de l'envahissant forsythia gavé de chlorophylle, défend timidement son petit carré .Coincées entre le bien planté rhododendron, rose lui aussi et le massif d'hortensias aux touches bigarrées dignes de Signac, les graciles trémières pointent le nez chez la voisine. Les lourdes grappes de la glycine,en cascade mauve s'écoulent sous l'appentis trop gris . Aux rosiers postés entre terrasse et pelouse,sentinelles galonnées comme des généraux mexicains réplique un audacieux framboisier ,tandis que des pivoines à l'ombre du pommier giclent le rouge sang.Plus près de la maison dans un parterre cerné de pierres moussues,un fuchsia adopté voilà deux printemps, par ses pampilles pourpres nous rend grâce .Un jasmin blanc camoufle avec élégance la cuve à fuel de mon voisin adossée au mur mitoyen  .Ah... en face ,de l'autre côté de la terrasse,bien protégé par un muret de pierres sèches,c'est un festival de plantes grasses,les arômes qui résistent à toutes mes tentatives d'éradication,une fougère transfuge de chez ma fille ,et des hellébores noires surnagent dans cette joyeuse luxuriance .Comment se lasser de ce tableau ?Je ne saurais dire si les visiteurs emplumés se délectent comme moi de ces parfums et couleurs,mais leurs visites participe à mon bonheur quotidien .Le geai toujours en vadrouille,les pies bagarreuses que je vis avec étonnement chasser un robuste corbeau,les pigeons indolents,et la petite escadrille de moineaux,rouges gorges,mésanges et autres bergeronnettes abonnés ou non à la pitance,tous me ravissent .Il est dix heures,je décroche le téléphone,j'appelle SOS médecins,la douleur est trop vive .

     


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  • Ha ha ha ce que je peux être con !Une semaine passée sans la moindre brûlure ...pas une alerte!Mais ce soir je vais danser comme un beau diable .La fièvre du samedi soir ,non pas à me tortiller ,mais à me tordre!Une douleur comme j'en ai connue qu'une fois dans ma vie,après une infiltration dans l'épaule,mais encore celle-là ne dura t-elle pas comme la scélérate qui me porte cette nuit aux enfers.Une main de fer me compresse le poumon droit ,le réduit en une boule si dense ...J'ai l'impression que tout mon corps se réduit là dans une douleur magnétique .Ah je regrette cette putain de morphine,cette fille de joie,qui saurait encore me donner du bonheur.Elle m'a laissé tomber et je suis haletant,presque hébété,incrédule ...ce brutal retour de manivelle dans le moteur !Tout mouvement m'arrache le flanc comme une escalope chez le boucher.Je dois me hisser sur les coudes pour tourner d'un bord à l'autre sans trouver la position idéale .A plat ,tête sur l'oreiller,jambes pliées ou étiré de tout mon long,rien n'y fait .Cette saloperie de crampe me taraude .Finalement j'opte pour le dos à plat et oreiller bien calé sous la nuque .Trouver une échappatoire...Purple rain ,purple rain ,cet air omniprésent depuis la disparition brutale de "Prince",comme un leitmotiv s'insinue dans mon cerveau, qui d'office oblitère le ticket.En route pour un délire ...j'aimerais faire parler la poudre ...et dormir,dormir comme un bébé . Dans ma tête les mots balancent ,j'écris le plus beau des poèmes ;peut-être aussi le plus cruel.Je pense à ces patients hurlants dans une tempête de draps blancs,souffrant, à agonir de reproches quiconque les veille pourtant dans l'agonie et que seule une injection intelligente aurait conduits dans la dignité jusqu'à l'ultime porte.Purple rain ,purple rain ...


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  • Nous sommes lundi ,il fait beau et je sors cet après midi .La tension est bonne ,la température normale,et si ce n'est un peu de fébrilité après quatre jours de quasi alitement,j'ai une forme étonnante après une opération de ce genre .La seule chose qui me chagrine c'est le cathéter encore figé sur le dos de ma main droite bleue comme un steak .On frappe à la porte ,une femme m'appelle pour une ultime radio de contrôle.Je ne saisis pas tout de suite que je dois la suivre,les derniers clichés ayant été tirés à même le lit .Je finis par la suivre .

    "vous m'attendiez" lui dis-je .

    "Oui suivez-moi"me dit-elle.

    Une dernière fois je pose mon torse nu sur la plaque froide,je bloque ma respiration,çà y est .La manipulatrice fait une lecture sur un écran.

    "C'est bon" me dit-elle

    Je me rhabille.

    "Vous arriverez à remonter par l'escalier"?

     

    "Oui çà ira"

     

    Je ne suis pas du genre à me laisser aller.Combien de batailles gagnées contre moi-même,l'adversité ne m'a jamais fait peur .La maladie vaincue,la tabagie éteinte,les tripes raclées.Jamais baissé les bras,la hargne amie fidèle me bottant le cul .Nul obstacle que je ne vainquis,courageux et froid.J'ai tracé ma vie comme une sente ,à coups francs dans la jungle.Un seul but ,le bonheur !J'ai donné des coups j'en ai reçus.Debout toujours ,quelques fois avec des béquilles bien sûr,mais confiant .Aujourd'hui pourtant je crains le combat inégal et l'inexorabilité de la cause à effet .Combien de temps encore serai-je dans ce bouillon amer dans lequel je surnage depuis la mi-mars ?Depuis le quinze mars exactement !Les ides me seront me seront-elles favorables ,moi qui sans être "hygiéniste"n'ai jamais franchi le Rubicon?

     

    Je regagne ma chambre et revêt mon jean,un T shirt frais .Dans les starting block j'attends la signature des papiers de sortie.J'attendrai un certain temps!Treize heures trente ,ma femme patiente avec moi .L'infirmière de service nous informe:"les papiers de sortie vont être signés sans tarder par le chirurgien".Dans le milieu médical la notion du temps est plus que galvaudée,deux minutes n'ont de limite que notre exaspération .Une heure plus tard bagages faits,je me présente à la "réception"du service .J'entends l'infirmière papoter avec un collègue...Je reste poli ,je ne l'interpelle pas et pourtant ...elle finit par arriver .

    "Vous pouvez passer au secrétariat du Dr S...tout est en ordre ".

    "Merci au revoir" lui dis-je.

    La secrétaire du Dr S ...m'accueille avec son sourire habituel,du moins celui que je lui connais .

    "L e Dr Z...est en vacance cette semaine" .

    Un rendez-vous est donc fixé pour le six juin .Elle me remet une ordonnance,une prescription pour du doliprane .

    "Vous ne voulez pas un autre médicament?"m'interroge t-elle.

    "Non" lui dis-je(je n'ai aucune douleur) .

     

    Elle me remet un petit carton ;rendez-vous avec le chirurgien le 23 juin à 14h.

    "Au revoir et bon courage monsieur ".

    "Oh ne vous inquiétez pas .Je ne vais pas me laisser aller.Au revoir ".

     

    ."


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  • Coucou revoilà l'infirmière pleine d'autorité et de malice qui m'accueillit à mon entrée mercredi dernier.

    "Alors monsieur l'h...comment allez vous"?

    "Bien,mais j'aimerais savoir quand vous me débarrassez de ce dispositif "?.J'en ai franchement marre de ces tuyaux"!"Le Dr Sa...m'a donné le feu vert pour une sortie lundi après midi .

    "Avant de retirer le drain (il pend à l'extérieur de mon pectoral droit)il ne faut plus de trace de sang dans le bocal".

    Je ne veux pas trépigner devant elle,mais ma patience est proche de la rupture.Un premier pas vers un soulagement total,elle retire le tuyau d'oxygène qui m'obstrue partiellement les narines .

    "Pour le reste je vois avec le chirurgien"me dit-elle.

    Passe l'après midi,vers six heures alors que ma femme et ma fille me tiennent compagnie,elle entre . Eh bien voilà nous y sommes,la délivrance tant attendue va être pratiquée.Je dis bien pratiquée car la suite va me ravir .

    "Mesdames si vous voulez bien sortir s'il vous plaît ".Quand elle me dit :"j'aurai besoin de l'aide de ma collègue",je ne m'inquiète pas plus que çà.La collègue tarde ,j'aimerais qu'elle s'active un peu.Enfin la voilà.

    "Respirez un bon coup"me dit la petite marrante.

    A quatre mains, en un temps qui me paraît une éternité elles extraient,non sans que je râle un peu,une longueur que je n'aurais su imaginer.Ouf ...je respire de soulagement ,mais bonjour la délicatesse.Celle qui dirige la manœuvre m'informe que la plaie est trop large et nécessite la pose d'agrafes.Oh nooooon .S'adressant à sa collègue!"Il aurait pu faire une ouverture plus petite"dit-elle à propos du chirurgien .Il n'a pas du pouvoir faire autrement "lui réplique t-elle(çà sent l'allégeance au patron)."D'habitude c'est moins large insiste la première .Elles s'éclipsent quelques instants et reviennent avec le matériel adéquat.

    "Deux trois agrafes ...et c'est fini "me dit avec aplomb la "maîtresse"de cérémonie.

    A la première je suis renseigné sur la douleur,avant la deuxième j'appréhende déjà,et à la troisième je pousse un aaaah de réprobation ."Bon on va vous donner un comprimé de morphine".Gentille attention ,je ne suis pas un veau tout de même.L'infirmière appelée à l'aide fait l'aller retour et me donne à sucer une pastille .Sans attendre le supplice reprend émaillé de ah et de han.Une ,deux ,trois ...

    "Oh vous n'allez pas vous évanouir"!

    "Non ,non "

    La sueur à mon front comme un vin de vigueur...Sept ,huit, neuf ...finalement treize agrafes viennent rapprocher les lèvres des trois plaies me marquant le flanc droit.

    "Faisons une pose"me dit ma gentille "tortionnaire".

    Son aide s'en va .Après ce morceau de bravoure,reste à retirer la sonde urinaire .Là encore la jouissance est intense.La sortie en plusieurs temps m'indique le degré d'intrusion de ce maudit tuyau et la brûlure que m'inflige son retrait est à la mesure de la première .Tandis que mon pénis endolori et sanguinolent déclasse déjà ma virilité,sans complexe, mater dolorosa me dit :"je vais vous chercher une couche".Sitôt dit, sitôt fait ,me voilà en pleine régression.

    "Bon maintenant que vous m'avez dévoilé votre intimité,nous n'allons pas faire de manières"me dit-elle me lançant un clin d'œil.Puis pour enfoncer le clou elle me parle de ma "petite bedaine".(il est vrai que je suis relâché de puis l'opération).Devant mon air contrit elle se rattrape "J'en parle sans complexe.j'en ai une moi aussi" . Oh là mon pauvre Gilbert tu en prends une claque coco .Cinq jours dans cette cage et te voilà transformé en "vilain petit canard".Bon tu ne vas pas jouer les Caliméro!Mais merde ...ma dignité en prend un sérieux coup !Vivement demain que je m'arrache!


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