• L'antépénultième propriétaire de mon pavillon ne se distinguait pas par son bon goût pour la décoration (vu les plafonds lambrissés et la moquette tant dans l'escalier que sur les murs,que son successeur ,par goût ou par paresse, ne changea pas.Je le soupçonne d'avoir servi dans la "royale" où quasiment tous les postes d'équipage sont habillés  de ce facile camouflage).Mais ô miracle ,il avait ,sur le palier,accroché une bibliothèque digne de ce nom.Mes bouquins y trouvèrent donc un refuge inespéré.Du petit polar de série noire au dictionnaire étymologique en passant pas le si utile "Littré",les romans courts et bien enlevés,les pavés historiques ,les récits,les témoignages et autant que faire se peut les recueils de poésie.Vive le changement!Je m'atellais  donc à la tâche.Rafraîchissement de l'escalier et de sa cage,donc dépose de cette bibliothèque avec ses précieux locataires.Du jaune pâle au blanc éclatant ,le choix fut sans nuance.En cascade, avec  mon enthousiasme coutumier pour ce genre d'exercice je badigeonnais  donc les bien trop hauts murs ...Sans oublier le plafond lui aussi lambrissé .Puis n'écoutant que mon courage je me lançais dans le ponçage intensif du palier supérieur,puis l'escalier de bois rouge et le second palier intercalé.Pour accrocher de nouveau le rayonnage je dus non seulement faire preuve d'équilibre et de perspicacité pour ne pas érafler ma réussite picturale,mais me persuader que quelque part j'étais né de la cuisse d'Hercule.Eh bien il semblerait que ce meuble se trouvât bien à sa place car il ne contraria pas mes efforts.Je le scellais donc et nous repartîmes sous de nouvelles couleurs,lui gris satiné et moi écarlate, pour des aventures plus livresques .Il faut donner du temps au temps ...Aussi deux mois sont passés et me voilà devant un tas de bouquins en bataille sur le plancher d'une petite chambre elle aussi à rénover.Quelques "Gallimard" dont "Belle du Seigneur",un chef d'œuvre paraît-il,un fort beau cadeau que j'avais sagement inséré,pour ne pas dire enterré,bien qu'étant sûr de l'exhumer un jour,dans le tronc commun,des livres de poche comme "vingt-quatre heures dans la vie d'une femme"(sauvé de l'incinération) menus d'apparence,mais qui donnent, à la lecture toute leur dimension.

    Je ne vais pas jouer les idéalistes,garder ce qu'il faudrait lire...Le choix ne sera pas non plus cornélien."La nuit du chasseur";je garde .Je me souviens de la réflexion de Robert Mitchum au sujet de son rôle dans le film éponyme."Il s'agit d'un de vos meilleurs rôles "lui disait la journaliste ."Oui répondait-il c'était une interprétation difficile .Il faut dire que le scénario était tiré d'un livre médiocre..." J'aime l'histoire,j'aime beaucoup l'histoire mais je vire sans vergogne :"La louve et le sanglier","Le maître des steppes" et quelques autres demi millénaires en pages.J'extrais un roman de guerre complètement inconnu ,du moins je le croyais ,car en lisant au verso de la couverture je découvre qu'il fut aux USA ,dans les années 51-52 un best-seller obtenant le prix Pulitzer.Ainsi donc cet"Ouragan sur DMS Caine "allait sombrer dans un océan de déchets voué à l'incinérateur du Spernot .Voilà ,j'ai retrouvé un talent oublié,sauveteur de chefs d'œuvre en péril .Tant pis pour "L'étranger",sorti quelques années plus tôt avec "Les dix mille marches"(que je conserve ,sur quels critères ...?)d'un cageot poussiéreux destiné à la benne à ordure .Je m'en veux ,livrer tous ces volumes au néant ...Tant de nuits ,tant d'évasion,tant d'exaltation,l'objet lui-même tenu jusqu'à plus soif .Ah j'oubliais ce livre minuscule ,presque un livret :"Le vieux qui lisait des romans d'amour".Alors que j'étais en mission à Cherbourg,un soir j'entrais dans une librairie "France loisirs"."L'étudiant étranger" trônait en tête de gondole et bien que je n'aime pas plus que çà les romans primés ceints d'un bandeau rouge,je me laissais tenter par ce "prix interallié" (je l'ai lu plus tard).Je vais pour payer,la caissière me demande :"vous avez la carte?"

    -"Euh oui ".

    -"Non la carte France loisirs."Je sorti donc les mains vides .Une petite librairie indépendante fit mon bonheur.Nous échangeâmes le libraire et moi ,comme je ne l'aurais pas fait chez le franchisé.Il me suggéra avec l'enthousiasme que peut et devrait  avoir tout  libraire digne de ce nom,le petit bijou en question .Et dire qu'il servit de cale à mon poste de télé.Quelle indignité !Prêté à ma belle-mère,je le retrouvai par le plus pur des hasards sous une pile de bouquins eux aussi abandonnés sur un vieux canapé sentant le pipi de chat.Mon cœur ne fit qu'un tour.Il a sa place dans ma bibliothèque;je l'ai rangé avec les verts(tranches),enfin je crois...Oui j'ai classé tous ces rescapés par couleur;en dégradé rouge,orange jaune ,vert,bleu,mauve et blanc, thèmes indifférenciés.D'autres plus obscurs ou plus rébarbatifs ont connu le châtiment suprême.Entassés dans des sacs de supermarché (une dizaine),je les ai jetés comme de vulgaires déchets dans la benne "incinérables" .

     


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  • J'avais longtemps cru ,comme beaucoup d'amoureux de la liberté,laisser libre cours à son imagination procurait non seulement du plaisir,mais consacrait dans l'art,des chefs-d'œuvre inégalables .Eh bien me voilà plus que dubitatif .Loin de moi les pinceaux ,les couteaux et autres instruments de barbouillages plus ou moins aboutis,des collages ,des montages ou des installations sensées émouvoir l'amateur,tous ce que l'imagination sinon fertile ,sûrement débridée,peut produire .Coincé dans un parallélépipède de tout juste treize mètres cubes ,la contrainte m'apparaît stimulatrice. Elle force la réflexion,la fait fleurir comme une rose dans le désert.Enfant je l'ai détesté et ne l'aime guère plus aujourd'hui.Pourtant je me souviens avoir joui à l'étude après la classe ,quand avec une petite poignée d'élèves je partageais les devoirs infligés par notre sévère instituteur.Les lois de l'arithmétique pour barbares qu'elles m'étaient, en me devenant familières ne firent pas de moi un jongleur émérite,mais j'appris à faire partir les trains à l'heure .Et l'attente ,et la retenue comme l'abstinence procurent des sensations non moins fortes que l'action ou la désinhibition.Aux plaisirs rares peu s'adonnent ...Me voilà donc dans ma cellule à buriner .Faire sauter l'épais carrelage du sol n'est pas une sinécure,non plus décoller la faïence murale .Je me plie aux exigences ,je m'astreins .Je rêve d'un chef-d'œuvre!De la mise à nu je donnerai l'élan à la reconquête de l'espace.Alternant carreaux lisses et vagues en relief ,les murs aux liserés d'argent se renvoient la lumière.Avec les spots parsemés au plafond c'est la piste aux étoiles ,c'est le paradis blanc.J'en avais marre du noir .Ce noir que tant d'années j'ai foulé .Et le gris sur les murs plongeant dans la baignoire .Non je te jure,déprimant à se saigner dans l'eau tiède ! Mais revenons à nos moutons.Car quoi que l'on dise ,quoi que l'on pense,dans l'art,bien des œuvres exécutées sont des commandes ...de galeristes mercantiles et spéculateurs (j'écoutais un artiste allemand s'insurger contre l'obéissance de certains via rémunération dégradante).Si la contrainte peut forcer le talent à s'épanouir,elle ne doit s'exprimer que dans l'esprit du créateur ou par la nature de la matière utilisée ,car la soumission à une norme quelle qu'elle soit ne produira jamais que des œuvres inféodées au goût des riches acheteurs . 


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  • Accoudé au bar, comme une vigie il a un œil sur le téléviseur et l'autre sur la porte d'entrée .Parfois il se raidit à voir tel ou tel "poissard "venir vers lui .Mieux vaudrait dégager sur le champ.C'est fou comme le jeu rend con.Mais nom de dieu qu'ont-ils à l'interroger sur ses paris!Nounours (nom que lui donne le patron )le travaille quasiment au corps :"qu'est-ce que tu as joué ,combien tu as mis dessus ?".Aujourd'hui il est d'humeur à bouffer un bœuf ."Tu ne voudrais pas non plus savoir la couleur de mon slip?"s'exclame t-il ."Oh si répondent en  chœur derrière le bar les deux associés ",qui ne perdent pas une occasion de railler ces hurluberlus qui viennent alimenter les caisses du Pmu .Tandis que les journalistes  d'Equidia passent en revue les différents prétendants  au podium(chacun a le droit à une évaluation,aptitude au terrain ,à la distance ,à l'hippodrome,etc...),qu'il soit bien né,ou roturier, qu'il est fait le top price aux ventes de Deauville ou de Newmarket ,le pékin de base s'en bat les cacahuètes,seule   l'information potentiellement  rémunératrice l'intéresse .Il tend l'oreille,attentif comme il ne le fut jamais durant toute sa scolarité .Un entraîneur confiant,un jockey dithyrambique,une côte anormalement basse,tout ce qui peut alimenter le délire .Le passage du poteau ,véritable juge de paix rend son verdict ,et  trop souvent toutes les belles théories,toutes les informations dont je ne mettrais pourtant pas en doute la sincérité  font le lit de toutes les suspicions .Mais cela ne dure pas .Ce ne sont que des histoires courtes.De quart d'heure en quart d'heure ,on porte aux nues et l'on brûle les idoles .Ici tout est éphémère .Tout est vanité ,tout est fourberie et ingratitude . Donne un bon tuyau à un de ces guignols qu'il ne t'offrira pas un petit noir ! Pour parler de noir et illustrer l'ingratitude au paroxysme de la connerie humaine ,il y a le fameux "doudou" ,ancien tenancier de bar .Tout d'abord je fus étonné et amusé par ce petit homme affable ,un peu maniéré ,presque touchant dans sa façon de jouer systématiquement ,comme le ferait un enfant ,les chevaux les moins appuyés au"betting".Trou ,trou et trou ....Avec sa petite voix pincée ,de commenter les arrivées trop logiques :"pff, çà ne paie pas ,tous les favoris".Je dois toutefois lui rendre grâce , sa politesse détonne ,jamais d'injures ,jamais de gesticulations obscènes si répandues dans les arrière-salles .Puis à l'évocation de ce surnom (Doudou,connu dans tout Brest)je fis la relation avec cet établissement et son propriétaire qui firent l'objet d'un article dans la presse locale .Tellement entendu parler de lui .Je l'imaginais baraqué ,bonhomme et décontracté .D'où ma surprise, me trouver devant un petit homme malingre ,la voix fluette,habillé avec goût ,me faisant l'effet d'un papillon dans la lumière .Ce gentil petit homme remettant les trois -quart du temps ces paris au hasard ,ne dérogea pas ce jour-là à la règle .Parmi les nombreux types de paris offerts à la clientèle ,il choisit la formule "tic-trois "spot.Les improbables combinaisons offertes laissaient espérer en cas de résultat conforme ,un gain des plus substantiels.Le hasard qui fait habituellement si mal les choses ,lui fit ce jour là un clin d'œil appuyé;tiercé dans l'ordre ,une somme rondelette :sept mille euros !Eh bien ce petit mariole fit l'unanimité ,si rare chez les joueurs, pour dénoncer  "l'incurie"  qu'il affichait .N'avait-il pas déclaré à la lecture  des rapports :"oh çà ne paie pas beaucoup"!


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  • Depuis le mois de septembre de l'année passée  il a repris ce chemin délaissé à l'automne deux mille douze .Oh il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour retrouver ses marques,ses réflexes et ses  astuces,pas plus pour ressentir cette même culpabilité  qui finalement le rassure.Souffrir d'un vice ,formaliser son mal être dans le jeu ,ne serait-pas là une clause libératoire .Ha ha ha il lui faudrait donc payer pour des crimes dont il ne sait rien.Des crimes enfouis dans l'inconscient familial ...?Cet homme est un syndrome à lui tout seul .Capable d'analyser finement avec toute l'expérience acquise après maintes et maintes compulsations , il peut aussi bien se laisser aller à la magie d'un commentaire et se retrouver désemparé .Pourtant s'il en est un qui proscrit toute forme de croyance ,qui déteste le hasard et réfute à tout va depuis l'âge de raison,c'est bien lui .Tout homme a donc ses failles ,mais plus ou moins profondes,et il lui appartient  de les sonder,s'y perdre ,mais s'y perdre vraiment serait une délivrance ...L'inconscient ,cet ami qui vous veut du bien,!Celui-là qui vous alerte sans vraiment vous donner le message en clair. Celui qui vous tient à portée de fusil ,à double détente bien sûr:celle qui vous libère et celle qui vous blesse.Les analyses,les épanchements sur le divan,il les laisse à ces petits bourgeois pseudo-souffreteux qui en font plus un objet de représentation  sociale qu'une réelle thérapie .Il joue point !Il a tout connu ,les fameuses nuances de gris ,car il y a quoique l'on puisse en penser ,dans le jeu ,une dimension érotique,n'appelle t-on pas l'orgasme masculin la petite mort ! Oui il  a  connu la griserie,l'ivresse des sommets ,celle des profondeurs , les bouffées de chaleur,les douches écossaises. Il a  connu le pinacle,il a connu la poussière , les chants ,les pleurs.IL a connu le tapis rouge et les affres du tapis vert,quand tu tombes des nues,mort de rage .Fauché en pleine gloire ,vidé, ruiné,gorge sèche et estomac noué.IL  a connu la "baraka", le feeling chevillé au corps il était un demi-dieu, un fort des halles,pour tout dire un champion .IL a connu la solitude du coureur de fond,pas d'amis que des adversaires ,envié, jalousé et quelques fois maudit.IL en a connu des nuits blanches et des jours noirs ,tantôt prolixe et tantôt muet.IL a traversé le désert sans carte et sans boussole,il  connu les mirages pompeurs de tunes.IL a connu les champs de blé, le pain blanc,il  dirait même béni et les tartines gourmandes ,le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière.L'aventure,l'audace ou l'inconscience,la fébrilité ,la frénésie,c'était son quotidien,que lui importait l'orage ou la tempête de ciel bleu!La fraîche dans la main,il n'avait qu'une religion : le jeu!                                                                                                                                 

     


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  • Pourtant c'est lui qui s'en va au "Why not" ,un bar Pmu situé à tout juste huit-cent mètres .Ici aussi une borne automatique prend les paris dits à la carte .Elle happe les bordereaux préalablement remplis,si nous  n'avons pas opté pour le pianotage sur l'écran en couleur  et nous informe des éventuelles erreurs à corriger ,course et numéro hors programme. Hélas pour les étourdis reste la connerie indétectable ,le bon cheval dans la mauvaise course ou une autre  réunion .En effet la multiplicité des réunions françaises ou internationales (une aberration pour beaucoup)peut conduire  à des situations embarrassantes . Ainsi ce vieux renard il n'y a pas si longtemps se retrouva un beau matin le bec dans l'eau .Son ticket passé dans la machine se révéla :"sans valeur".Etonnement ...puis après rapide réflexion il comprit le pourquoi .Le gagnant était bien le 5 mais dans la cinquième ,hors il avait coché la sixième !C'est ballot non ?Sans être coutumier du fait ,il n'en avait pas moins ces  derniers temps commis quelques regrettables maladresses qui amaigrirent sensiblement son portefeuille .Bah!Plaie d'argent n'est pas mortelle !L'excitation l'emportait .Sang froid ,sinon froideur et discrétion sont pourtant les qualités indispensables à un joueur adepte de la stratégie du tout vient à point à qui sait attendre .La sanction est immédiate .Après la cavalcade du cœur , l'empourprement du visage ,viennent le serrement douloureux de la gorge ,puis les regrets et les remords .Que doit-il à la vie qu'il n'ait pas mérité pour qu'il fasse ainsi sacrifice ? La dichotomie serait  une explication trop facile  à ce comportement explosif ,un leurre ;cacher une  vanité telle qui défierait la "grande inconnue".Il pourrait avec les nouvelles technologies se faire peur tout seul sur son canapé ,les yeux rivés sur son écran de télé ,tendant l'oreille à l'évocation par le commentateur d'Equidia, du nom de son préféré,cherchant les couleurs de sa  casaque et  sitôt le poteau passé par les chevaux se précipiter vers son frigo à la recherche d'un morceau de fromage pour calmer son émotion .Mais à tout prendre il préfère fréquenter le "Beaumanoir" tenu par Eric et David fraîchement certifiés buralistes .Le cosmopolitisme lui a toujours plu et tant pis si on le bouscule un peu ,la socialisation   a un prix . Il peut,  qu'on se le dise être  tour à tour charmeur,d'un commerce agréable, ou hermétique et bourru selon les circonstances ,l'humeur ,les interlocuteurs .


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